POURQUOI JE NE VOTERAI NI MARINE NI FRANÇOIS

Cet article écrit quasiment jour pour jour il y a 4 ans...Je n'en changerais pas une ligne et presque pas les noms !

Si la République est une et indivisible, si sa devise est Liberté Egalité Fraternité, pourquoi depuis plus de 50 ans je ressens cette insupportable torsion de l'abdomen quand je dois donner mon nom, pardon, quand je dois "avouer" mon nom : Belmihoub et plus encore mon prénom : Mohamed.

Entre malaise et révolte, je vis comme une crucifixion ce moment où invariablement mon interlocuteur habille sa haine d'un abyssal et insupportable silence suivi de sa demande obscène "Vous m'avez dit DELMINOUB...Vous pouvez épeler ?" Et moi j'entends, "vous pouvez vous peler". Alors j'épelle et me pèle comme on se déshabille, comme on me déshabille, M.O.H.A.M.E.D, lentement. Et chacune de ces lettres porte le poids des souffrances de mon père et du père de mon père et de celle de mes enfants et peut-être demain de mes petits enfants et de celle de tous les Mohamed qui, chaque jour, dans notre pays subissent la violence extraordinaire de la xénophobie devenue ordinaire.

Depuis mon adolescence, je vis dans la crainte de ce jour où je ne parviendrai plus à contenir ma colère. Cet état "explosif" se nourrit de l'arrogance de Marine, François et les autres. La cécité et la surdité qui, chaque jour, détruit un peu plus la cohésion de notre nation conduit droit vers une guerre dont notre pays pourrait bien ne jamais se remettre. La France n'existe que par celles et ceux qui l'habitent et l'animent. Les Français sont le fruit des accidents de l'histoire et vouloir les réduire à une sorte "d'identité" homogène est stupide et plus encore dangereux. 

Je suis fils d'un père kabyle Algérien et d'une mère ch'timi Française. Mon père après avoir versé son sang à "Monte Casino" pour s'opposer à la barbarie nazie, a subi la torture des policiers français pour avoir cette fois osé demander l'indépendance de sa terre et celle ses ancêtres.

Ma mère, ch'timi a été envoyée en camp de travail en Allemagne. Elle a risqué sa vie pour avoir nourri en cachette des prisonniers de guerre russes. Elle a, par la suite, dissimulé des armes pour le F.L.N. Elle a toujours pris le parti de l'opprimé contre l'oppresseur. Elle avait comme, le général de Gaulle, "une certaine idée de la France".  

Et Marine et François qui osent me demander de choisir entre ces deux noblesses ? 

Que l'on tente de m'infliger ou d'infliger à mes enfants cette amputation et je prendrai comme la France en son temps le chemin de la résistance.

Oui j'ai mal à ce pays que j'aime profondément, oui certains Français dont Marine et François me font peur, mais loin d'engendrer une attitude pusillanime, il font croître mon sentiment de révolte et émerger ma rage d'adolescent quand des policiers après m'avoir interpellé et pris connaissance de mon prénom me déclaraient d'un rire assassin "on aurait dû ouvrir le bide de vos mères au bled comme ça vous ne seriez pas là".

La plaie profonde provoquée par cette blessure ne s'est jamais refermée et le discours de Marine et François ne fait qu'aviver la douleur et la révolte. Si une forme de résilience m'a permis de dépasser la rage qu'une humiliation récurrente a fait naître en moi depuis mon plus jeune âge, force est de constater que d'autres Mohamed n'auront pas cette chance et finiront par donner raison aux bourreaux qui n'attendent que leur faute pour réprimer et par-là légitimer et justifier leurs théories racistes, xénophobes pour alimenter la bête et faire renaître une "certaine France", égarée dans les ténèbres de la haine et de la division, de Vichy et du Vel-d'hiv.